La magie de l’écoute bienveillante
Le blog de Jean Beaujouan
J’anime depuis bientôt dix ans des ateliers intitulés groupes de consultation sur l’argent (GCA). Comme c’est souvent le cas, celui que j’ai animé récemment m’a empli d’étonnement et de joie. Pourquoi ? Il y a là un mystère que je voudrais essayer de comprendre et de partager avec vous.
Au point de départ, les ingrédients sont relativement banals : une pièce tranquille, une table et des chaises, entre trois et huit personnes dont un animateur, deux bonnes heures de totale disponibilité, et des participants ayant le désir de travailler ensemble sur leurs préoccupations, leurs problèmes ou leurs projets en lien avec l’argent.
Les règles de fonctionnement sont simples mais strictes : confidentialité, écoute bienveillante, liberté totale de parler ou de ne pas parler et recommandation de ne pas aller au-delà de ce qu’on a envie de dire.
Chacun est d’abord invité à partager avec le groupe sa préoccupation majeure au regard de l’argent : une question, un problème, un projet, une souffrance, etc.
Ce tour de table permet à chaque participant de :
- Considérer sa vie au regard de l’argent et de regarder en face des questions parfois douloureuses qu’il mettait beaucoup de soin à ignorer (à « refouler », diraient les psys) ;
- Partager avec les autres participants des mots justes pour dire : « Voici ce que je vis en ce moment et qui m’angoisse (ou m’empêche de dormir) et à quoi je voudrais bien trouver une solution avec vous, etc. » ;
- Constater que d’autres personnes ont également des difficultés à propos de l’argent, que celles-ci sont fréquentes et constituent un problème pas seulement individuel mais également social : cette prise de conscience réduit la culpabilité voire la honte que chacun pouvait ressentir plus ou moins confusément.
Le groupe choisit alors démocratiquement celui qui sera le bénéficiaire de la consultation, notamment en fonction de l’importance du problème à résoudre et du désir de chacun de le devenir.
La consultation s’engage alors selon une méthode précise[1] : le bénéficiaire expose sa question, son problème ou son projet et les autres membres du groupe lui font part de leur compréhension, de leur sentiment, de leur expérience éventuelle dans la question évoquée et tout simplement de leurs conseils et pistes de solution.
Cet accompagnement solidaire par des pairs s’avère souvent d’une grande fécondité :
- Le bénéficiaire fait, pour la première fois de sa vie, l’expérience bouleversante d’être au centre d’une petite équipe totalement à son service, qui l’écoute attentivement et avec bienveillance, sans le juger ni chercher à lui imposer une solution ;
- Il repart de cette séance avec un regard renouvelé sur son problème ou sur son projet, avec la tête pleine de nouvelles solutions à explorer, et surtout avec une plus grande confiance en lui-même et le sentiment d’être moins seul face aux duretés de la vie.
Pourquoi un tel groupe crée-t-il autant d’émotion joyeuse et de liens de solidarité entre les participants ?
Voici quelques réponses tirées de leurs déclarations lors du bilan réalisé en fin de séance :
- Je suis émue par ce qui a été dit. J’en retiens qu’il est bon d’accepter les compliments qu’on me fait et que je dois « oser me vendre » ;
- Je suis impressionné par l’importance de l’argent dans notre vie émotionnelle ;
- Je suis touchée par votre écoute, votre bienveillance et vos conseils : je passe à l’action dès lundi ;
- Je n’ai pas l’habitude de parler de moi : quelle expérience ! Je me sens valorisée et rassurée ;
- Je suis épuisé d’avoir mis le nez dans mes problèmes, alors que je les fuyais, et j’ai compris qu’ensemble, on trouve des solutions ;
- Conseiller autrui m’enrichit. J’ai découvert ici que vous êtes à la fois différents de moi et semblables à moi.
[1] Il s’agit du Codéveloppement professionnel, méthode remarquable inventée au Canada par l’universitaire Adrien Payette à la fin des années 1990 et importée en France au début des années 2000.